J Bodon a Clermont Ferrand
LO LIBRE DELS GRANDS JORNS J BODON. colleccion A TOTS--- IEO
Capitòl 5- LO PLASER DES DIEUX - Extrait et traduction....
A une table tout seul. On me donna la
carte , mais je n'ai rien choisi. Un repas des plus légers, sans
fioritures : bouillon, haricots, pommes de terre... Une cuisine
gouteuse de ferme, pour tout dire, avec la chair juteuse du veau
d'Auvergne. Un litre de vin. Que j'ai bu.
Cela ne me coutât pas bien cher , et
je me promis de revenir. C'était tout ce que recherchai et que
j'avais trouvé: Saint Pierre de Jaude, un coin de rue, l'Hôtel
Excelsior et le Mickey-Bar. Que pouvais je espérer de mieux? Dès
lors je sus comment je laisserai le temps filer ici, dans
l'attente...
Dans l'attente de quoi? ... Alors que
ce temps ne valait plus rien pour moi... Que la vie elle même ne
valait guère mieux. J'en avais perdu le fil depuis si longtemps...
Ma vie... A vingt ans j'avais cru
porter un monde à bout de bras . Mais ce monde s'était dissout .
Que me restait-il de tout cela?
Monde de ma langue.
Oc: le mot premier s'était perdu. Et
les autres l'avaient suivi...
Je ne puis dire que ce monde m'ait été
volé. Un peuple entier me l'a confié de bon cœur. La terre est
devenue une friche , les maisons s'écroulent. Il reste le désert.
Cependant, il m'arrive de croire que de
ce monde je fus le maître . J'en fus le Dieu , le Créateur. Je
l'ai maintenu à ma guise. Il m'a donné l'impression de l'éternité.
Comme j'ai pu le croire à vingt ans.
Alors je ne craignais pas les tempêtes,
je n' allais pas me renier , ni sous le joug d'une quelconque misère
, ou d'une peine de cœur, ou d' une maladie. Pour tout dire, même
épuisé , même affamé, je parvenais encore à me nourrir de mille
mots . Que diable: chanter l'amour ne vaut-il pas l'amour. Aux heures
les plus noires de la nuit, je savais que le jour reviendrait..
Le vent tourna, et le temps changea .
Chez moi il fallait bien acheter le pain , du pain pétri de blé ,
pas celui des mots. Il fallait faire l'amour pour que naissent les
enfants. Et les enfants pleuraient la nuit . E la nuit devint grise,
tout comme le jour. Cependant je m'accrochais à l'existence d'un
autre monde...
Ce ne fut pas pour le plaisir, ni pour
l'argent , ni pour une heure de gloire , ce fut simplement mon
devoir, je devais accomplir ma destinée, jouer ce métier attribué
à moi par la destinée. Elle est incroyable la marque faite par le
métier; en ce qui me concerne cela ressemblait à un nœud de nerfs,
comme on en peut en voir à la surface, sur les muscles des
chevaux... Moi je regardais cet autre monde de mots...
Et puis ce monde s'en est allé.
Et j'ai conservé des milliers de mots , dans ma tête pleine comme
une ruche ... Mille mots dont on peut se demander qui les comprend
encore aujourd'hui? Je ne les crierai pas dans le vent...
Comment se fait-il que personne ne
consente à m'écouter , pas plus les bergers , que les érudits ,
comme si de ma bouche ne sortait la moindre parole.
Je ne veux plus me battre . Et
d'ailleurs contre qui se battre ? Si seulement j'avais eu un ennemi,
je l'aurai affronté physiquement, j'aurai pu le nommer. Alors
j'aurais pu me servir de ma force.
Mais c'était une bataille sans issue
.... Personne ne vint me défier. Mais alors de qui faut-il protéger
le trésor: cet héritage dont personne ne veut?
Un ennemi vaut bien un ami . Car chacun
des deux considère l'autre comme un partenaire et lui donne sa
consistance. Point pour moi, puisque personne ne m'accorda la
moindre considération.
Seulement du mépris , peut être moins
encore que le mépris : l'indifférence sans le moindre honneur.
Le néant du néant. Peut être cela
vaut-il mieux. Et c'est à Clermont-Ferrand que se perdra
définitivement mon monde imaginaire...
A Clermont-Ferrand ! Depuis le temps
que j'y pense. Tout cela me donnait soif. Et c'était l'heure
d'aller boire.
Je suis arrivé sur la Place de la
Chapelle , puis j'ai pris la grand rue. Mais je n'allai pas bien
loin. Un café au nom plaisant : Le Bolero...
J'entrai dans la grande salle. Il y
avait des sièges et des coussins de toutes les couleurs. Mais pas
grand monde. La patronne au comptoir plantureuse , d'âge avancé
mais souriante. Une serveuse à moins que ce ne soit la fille de la
patronne se tenait assise , les cuisses bien en vue sur un siège
de bar.
Elle descendit de son perchoir pour me
servir du vin de Corent . Et elle remonta sur son siège, en exhibant
encore plus, le profil de son fessier.
Un adolescent , grassouillet et en
apparence idiot parut .
« Ah! Cria la patronne . C'est
toi, Anatole . Cela fait si longtemps que nous ne t'avions pas vu. Tu
n'es pas très fidèle , Anatole... »
Anatole se tint au comptoir , près de
la fille aux cuisses interminables. Et la patronne se mit à lui chatouiller
la barbe .
« chante Anatole! Chante!... »
Anatole opinait . La fille se mit
aussi à lui triturer les poils . Alors d'une voix immature Anatole chanta:
aqueste ser nos
aimatz de plen ventre
Se cal aimar qu'es lo
plaser dels Dieus!
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