les jours illustres de Jean Bodon
Revirada d'aprèp Lo Libre dels Grands Jorns de J Bodon Colleccion A TOTS d'IEO
Mon ami
A présent nous nous voyions chaque
jour. Je l'avais surnommé le curé de Foncotut faute de savoir son
véritable nom. Pas plus que lui ne connaissait le mien...
Il s'habillait toujours de la même
façon, avec le même costume gris en tergal , une chemisette beige,
ouverte sur le cou, il portait des chaussures pointues de couleur
rouille , des lunettes, mais jamais de chapeau, il avait les cheveux frisés,
il était raffiné de toute sa personne, toujours rasé de frais, mais son parfum
changeait chaque jour , un parfum de fille.
Quel âge pouvait-il avoir? Il était jeune
encore. Quel métier pouvait-il exercer? Comment gagnait-il sa vie?
Je l'ignorais. Toujours à se promener. Nous nous trouvions sans nous
chercher . Nous avons cheminé ensemble durant quelques temps. Nous
parlions. Puis il s'évanouissait soudain sans que je m'en aperçoive.
Je me régalais de lui offrir à
boire. Le vin n'est-il pas meilleur à deux.. On peut d'ailleurs en commander
une bouteille sans s'attirer les regards désapprobateurs de la
serveuse.
Nous étions seuls dans un bar un soir. Il tirait sur une cigarette et je le regardai. La
bouteille était vide mais nous ne voulions nous séparer encore.
Nous nous taisions. Je serrai dans ma
main le verre vide. Comment se faisait-il que je me sois échoué ici? ... Je suis descendu d'un train par hasard à
Clermont-Ferrand . Par hasard je suis entré dans un bar puis dans une
église. C'était comme si nous nous cherchions avec cet homme... Par hasard.
Mais les paroles m'avaient échappées... J'avais parlé de vive voix.
Le curé écrasa la cigarette et m'enleva le verre des mains:
« par hasard comme tu dis... Mais
qu'est ce que c'est le hasard... Un château en Syrie si je me
souviens bien. L' Azar est quelque chose d'approchant. Ou alors un jeu . La
destinée, la fortune , le sort. Pour quoi pas la chance , pourquoi
pas... »
Il s'échauffait , au contraire . Il discourait comme il le faisait quand il prêchait a
Foncotut o a Cotufon...
« Par hasard ! Laisse moi rire. Alors que le monde est si étroit... Et Clermont-Ferrand encore plus
minuscule ... Et si le nez de Cléopâtre ?... Mais Pascal supposait
que le nez de Cléopâtre devait être de cette taille. Destinée
prédestinée. Chacun ne trouve que ce qu'il cherche, parce qu'il ne
cherche que ce qu'il peut trouver... Et la porte à laquelle on frappe
est la seule qui peut s'ouvrir. Tel celui qui croit mener sa vie et
que la vie mène... »
A cet instant j'aurais bien voulu placer un
mot : « Pascal... dis-je
-
Tais toi car je devine que tu vas me réciter des passages de ton livre de littérature du collège. Imagine, un matin de janvier , alors que toutes les rues de Rouen se trouvaient verglacées. Le père de Pascal qui se trouvait en Normandie pour affaires sortit pour prendre l'air. Il glissa. Il se brisa le fémur. Deux voisins lui portèrent secours, des jansénistes convaincus qui le soignèrent dans sa maison. Assez longtemps pour convertir toute la maisonnée. Et Blaise encore plus que les autres . Si , si ... Imagine que le père de Pascal ait fait la grasse matinée ce jour là , il est à peu près certain qu'il n'aurait pas glissé. Blaise semble avoir oublié cette leçon. Mais il avait fort à faire dans les bras d'une femme...Pas de la sienne bien sur , mais avec les femmes des autres. Oui bon , mais alors pourquoi ses chevaux d'attelage s'emballèrent au passage du pont de Neuilly-sur-Seine?. Les deux chevaux se noyèrent dans la Seine. Mais le carrosse demeura en équilibre sur le bord, juste au dessus des eaux . Avec Pascal à l'intérieur. Un miracle? La nuit de l'illumination et Port Royal. Le hasard!... Je lis sur tes lèvres ce que tu veux crier. Le hasard dans la vie d'un prédestiné?... Alors que c'est devenu pour lui la preuve de la prédestination. Le doigt de Dieu à l'instant fatidique pour aider le mécanisme de la conversion ...Oh Dieu , l'enchaînement universel des évènements.... Un janséniste de plus ou de moins. Le dieu des lois économiques , celui du sexe, ou de je ne sais de quelles glandes... Le Dieu des lignes de la main, pourquoi pas, ou des signes astraux... Nous nous sommes rencontrés tous les deux comme deux mouches sur la même plaie , comme deux pichets de vin à la fontaine... Et il me semble bien que j'ai soif depuis le temps que je te parle. Ce sera par hasard que nous boirons une autre bouteille. Allons patron et le meilleur... Par hasard peut être, imagine seulement : l'usine Michelin de Clermont-Ferrand ...Je me le demande encore. Au temps du romantisme , un Auvergnat ne pouvait-il se marier qu'avec une Écossaise ?.. Qui plus est avec la nièce d'un Macintoch. C'est elle qui montra à son mari comment travailler la gomme pour en faire des balles pour les enfants. Depuis... Mais à la tienne.. Bois... »
Je buvais encore . Soudain je me
rendis compte que j'étais seul. Le curé était parti...
Commentaires
Enregistrer un commentaire